Site de création littéraire plus ou moins expérimentale
Il y a quelques années encore, cinqdix ans peut-être, les affaires marchaient bien. Aujourd’hui, c’est dur. Très dur.
Vous me direz lacriselacrise, lacrisececilacrisecela. Mais non, la crise n’a rien voir l’affaire. La solidarité connaît pic grâce la crise, la générosité, au moins d’un sourire — il n’est pas une personne dans la ville qui n’a dans son entourage quelqu’un en difficulté, au chômage, et l’identification est vite faite. Grâce la crise, les autres, ceux qui demandent, miment, marionettent, gazettent, rient — tous ceux-l vont mieux que jamais, ou du moins pas plus mal, leur business est en plein boom, non pas en volume mais en nombre de transaction.
Mais nous... Nous... Nous sommes victimes de la technologie. À l’instar de la caissière, du gars au péage d’autoroute, de l’ouvrier la chaîne, du journaliste papier, nous souffrons de la démocratisation des outils technologiques, de leur miniaturisation, de leur perfectionnement.
Aujourd’hui, quand nous poussons la chansonnette dans un wagon du métro, qu’importe ce qu’on chante, la manière dont on le chante, le sourire avec lequel on le chante, on ne récolte que des regards noirs, méchants, agacés. Chacun dans sa petit bulle d’iPod chemine dans l’indifférence et notre voix est une interférence, un grain sel dans le shuffle. On peut bien déclamer du Shakespeare comme Laurence Olivier, on ne rivalisera jamais avec le dernier tube dont, même dans le vacarme du métro, on entend hors casque les résonances métalliques. On ne sera jamais qu’une nuisance sonore de plus dans la journée où les oreilles sont traitées comme un fourre-tout, et où l’environnement sonore souffre d’une pollution plus continuelle et plus usante encore que toutes les autres.
Ce moment dans le métro est l’un des rares dans la journée où l’on peut enfin plus ou moins choisir ce qu’on veut écouter. Nous ne sommes plus une distraction bienvenue, un sourire, un rayon de soleil inattendu, nous sommes ce qui les prive d’une des dernières libertés dont ils disposent dans leur rapport au monde sonore.
Nous agaçons bien malgré nous. Inconsciemment, nous participons de ce qui nous exclut, et de ce que nous voulons combattre tous prix.
Ce texte, qui avait commencé comme une pseudo-fiction, comme d’autres récemment, se termine hélas sur un ton lourd de donneur de leçon, de démagogue anti-technologie, de complaisance snobinarde et plus ou moins politique (alors que bon, qui suis-je, moi ?). Dommage, j’aimerais tellement comme d’autres faire passer quelque "message" en filigrane, sans en avoir l’air.
À voir.
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