Je n’y mets plus les pieds.
Mon projet n’a plus de sens, s’il en a jamais eu — (vain) exercice de style dégénératif, envahissant ma vie à la manière d’une tumeur (bénigne, j’espère) et échappant à ma plume. Il m’a échappé. Tout à fait. Ou raté. Tout à fait. Je ne sais plus que faire de ce lieu, de ces milliers de personnes qui peuplent les pages de mon carnet, de ce foisonnement incessant et impénétrable, de ces vies qui m’échappent, imprescriptibles, indiscernables, incernables.
Quand je passe devant — cela (...)
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T.A.B.P.
"Tentative d’assèchement d’un bar parisien"
Ça porte bien son nom, non ?
Vive Perec... dont la "Tentative d’épuisement d’un lieu parisien" m’a inspiré cet exercice approximatif et empirique.
Pour une plus ample description de l’exercice, voir le texte intitulé "Ouverture".
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1er avril 2008
29 mars 2009, par Jérémie Szpirglas -
1er avril 2008
29 mars 2009, par Jérémie SzpirglasFaut bien se faire une raison. D’habitude, après une rupture, on se partage les amis. Nous, même si ce n’était ni une relation ni une rupture, on se partage les lieux. Et, sans le consulter, je lui laisse le bar.
J’y vais si rarement ces derniers temps, ce n’est pas une grande perte, anyway.
Seulement je suis vexée. Vexée de ce rien, de ce vide. Je m’en étonne et je m’étonne de m’en étonner. Étonnée de tenir tant à cette chimère d’une nuit. Étonnée de cet attachement sans rime.
Bref, je n’y vais plus, et (...) -
28 février 2008 — 23 h 50
14 mars 2009, par Jérémie SzpirglasFinissons-en.
Il est là à nouveau. Ça fait un petit moment que je ne suis pas venue. Par peur sans doute. Par frustration aussi. Et puis ma vie m’a tenue éloignée quelques mois de ce bar — vous savez ce que c’est, de longues vacances, un nouvel homme, un couple chaotique et puis ça finit dans un drame mi-figue mi-raisin et avec tout ça, plus beaucoup de temps pour moi — je vieillis aussi, je me demande si j’ai toujours l’âge d’aller dans ces lieux bruyants, où les filles sont de plus en plus jeunes et (...) -
29 février 2008 — petit matin
5 mars 2009, par Jérémie SzpirglasComment me suis-je retrouvé dans ce lit ? Grand blanc sur la soirée d’hier. Aucune idée de ce qui a pu se passer. Ce que je sais, c’est que ce matin, très tôt, j’ai été réveillé de la plus agréable manière. J’ai même pensé un instant être en train de faire l’un de ces rêves érotiques matutinaux dont je suis coutumier. Un plaisir diffus m’envahissait, s’intensifiait, se précisait. C’était une bouche sur mon corps, sur ma poitrine, une bouche bientôt sur mon sexe tendu, une bouche qui allait et venait sur moi avec (...)
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3 mars 2007
28 février 2009, par Jérémie SzpirglasArrive chaque jour en milieu d’après midi. Entre 15 h 30 et 16 h 30. Petit, sec, un peu fripé, gros visage derrière de plus grosses lunettes. Commande un demi. Pose sa main droite sur la table, redresse la tête. Allume un cigare très fin qui fume déjà quand son verre arrive. Porte autour du cou, en bandoulière, un petit Leica qui garde ce cachet discret des beaux appareils des années 70-80. Regarde devant lui — il pourrait très bien avoir l’esprit vide, tout à fait, vide — ballet serein de loin. De (...)
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5 avril 2007
1er février 2009, par Jérémie SzpirglasLes tables ici sont si serrées qu’elles permettent non seulement les oreilles indiscrètes, mais donnent lieu à des quiproquos savoureux, sans conséquence dramatique, même quand elles sont érotiques.
Imaginez un large groupe d’amis. Ils se sont donnés rendez-vous là, ne se connaissent pas tous forcément et arrivent au compte goutte. On rencontre des amis d’amis, on amène qui on veut, la personne avec laquelle on a passé l’après-midi, le nouveau copain, la future copine qu’on essaie de séduire, etc. (...) -
15 janvier 2008 — 23 h 00
21 janvier 2009, par Jérémie SzpirglasFragments de quoi ? Fragments de vie, de désir, de relation. Fragments d’instantanés, fragments de rire. Bribe d’un discours qui part et qui coule. Bribes brèves, le temps d’un coup d’œil. Bribes de théories, de parcours tronçon — tablée, fournée.
Toujours ce désir de savoir où ça va, où ça se termine, que le fragment frustre — on n’ira pas au bout. On s’arrêtera en chemin. On interrompra la phrase, la conversation car on ne saura plus quoi dire ou, pire, parce qu’on n’aura plus rien à boire. Comme un crédit (...) -
19 janvier 2008 — Minuit quinze
21 janvier 2009, par Jérémie SzpirglasOn laisse traîner ses oreilles, on écoute la conversation d’à côté. Un type maniéré et gominé (oui vous avez bien lu, gominé !), enchaînant généralités et opinions péremptoires.
On arrive en cours de route, la conversation tire à sa conclusion. Mais on peut aisément imaginer ce qui nous a amené là. Le type, qui prétend avoir vécu dans « sept capitales différentes » (comme les sept péchés capitaux, ou les sept merveilles du monde), entreprend un comparatif. Tout y passe : l’accueil, l’atmosphère et même la valeur (...) -
20 mars 2007
3 janvier 2009, par Jérémie SzpirglasY a aussi des gars qui entrent ici par hasard, pour boire un verre, sans se douter de ce que c’est, de l’immense machine coercitive à l’œuvre là-dedans. En un court passage, surtout dans l’après midi, il n’y verra que du feu, la surface des choses étant des plus banales ici : la sophistication et l’élitisme ne sont nulle part affichées, sauf peut-être par certains serveurs peu amènes et par quelques tenues excentriques et hors de prix de client(e)s.
Rien ne laisse entrevoir la réalité des choses. Le (...) -
25 septembre 2007 — 16 h
17 septembre 2008, par Jérémie SzpirglasRéécrire.
Je ne suis pas assis à côté d’elle. Elle de l’autre côté de la pièce, dos au miroir, la lumière de ce qu’il nous reste d’été lui fait des yeux brillants, d’un vert sombre. Elle a une partition ouverte devant elle — je l’ai aperçue brièvement en entrant dans le bar, deux lignes de chant avec parole en italien je crois, deux lignes de piano —, elle ne penche que la tête, se concentre sur sa respiration, ses épaules immobiles, ses lèvres articulant chaque syllabe en frémissant parfois.
Je ne sais pas ce (...)