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Mercredi 17 juin

17 juin 2020

Le début de la fin

Voilà à présent trois mois et un jour que je tiens, quotidiennement, ces Virus Diaries. De vous à moi, je n’étais pas certain d’en être capable. Il n’en demeure pas moins que ces pages n’ont jamais eu vocation à se poursuivre ad vitam aeternam. Pourtant, et je l’ai déjà dit, le titre que je leur ai choisi — dans une volonté d’originalité face au tsunami de journaux de confinement — m’interdit d’y mettre un terme rapide.
Un virus ne s’en va pas comme ça : pendant combien d’années me suis-je condamné à une entrée quotidienne dans ce journal ? Ne me serait-il pas possible de les espacer ?
Je vous rassure (même si je ne suis pas certain que ça rassure qui que ce soit) : je ne suis pas prêt à m’arrêter d’écrire, au quotidien, non plus qu’à mettre en ligne ce que j’écris, tout aussi quotidiennement. Mais j’avoue qu’il me plairait de retâter ici à des pâtes pétries il y a longtemps, voire fort longtemps. À poursuivre quelques uns de ces incipits que j’ai pissés à foison il fut un temps. Toutes ces idées formidables, sur le papier du moins, que je pourrais prolonger : mon Roman trop ordinaire (une de mes tentatives polars à contraintes), mon Absent, ma Tierce Picarde (deux textes sur le deuil, en musique). Il faut pour cela que j’ose faire lire ce que je considère comme en germe, en devenir, incomplet. Bref : inachevé. Il faut que j’ose assumer enfin le titre que j’ai donné à ce sujet tout entier.
Je ne sais plus où (ou même si) j’ai un jour écrit le pourquoi du comment de ce titre. Mais l’idée était la même que celle de l’œuvre ouverte, ou du cent fois, mille fois, un million de fois, remets l’ouvrage sur le métier. Tout texte, toute œuvre, est toujours déjà inachevée. Ce ne sont ni Léonard de Vinci, ni Pierre Boulez qui me contrediront ici.
J’étais convaincu il y a plus de douze ans quand j’ai ouvert ce site, et je le suis toujours, qu’un texte n’est jamais terminé, jamais réellement abouti. On aura toujours quelque chose à y faire, une coupe, une reformulation, une nuance, un mot mérite toujours qu’on s’y attarde à nouveau — quand il ne faut pas tout refondre, sans un regret. Il n’est achevé que lorsque l’on décide, arbitrairement, de l’abandonner, d’arrêter d’y travailler — non pas parce qu’il ne nous intéresse plus mais parce que, soit des circonstances extérieures l’exigent, soit on a le sentiment qu’il vaut mieux passer à autre chose. Voyez Schubert et son inachevée… C’est cela.
Et c’était cela que je voulais faire ici : montrer l’écriture en devenir, avancer, sans jamais arriver ou aboutir. Rien d’accompli. Jamais véritablement.
En cours de route, je me demande si je n’ai pas eu honte de ce credo. Non pas de lui en tant que tel — j’aurais, je crois, toujours plaisir à l’exposer lors de dîners en ville —, mais de lui en tant que réalité : qu’on puisse lire, en ligne, mes échecs, mes imperfections, mes prétentions, mes impasses. Et pourtant, c’était le jeu que je m’étais proposé.
En me forçant à une entrée quotidienne ici, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, qu’il confine, qu’il instruise, qu’il crèche, qu’il école, qu’il bosse, j’ai renoué avec le cœur de ce que je voulais faire ici : ainsi sont nées au moins deux fictions qui m’ont occupé ces trois derniers mois. Qu’elles soient ou non réussies ou prometteuses, que je les poursuive ou non, je ne le regrette pas le moins du monde. Mais pourquoi ne pas l’élargir à d’autres sujets que le virus — même si, sans doute, le virus y reviendra de manière récurrente ?
Donnons-nous donc une date. Celle de 22 juin — qui n’est pas de moi, mais pourquoi ne pas accepter des contraintes imposées de l’extérieur ? — me paraît toute indiquée. À partir du 22 juin, ces pages seront donc déconfinées. Le virus y apparaitra encore, de temps en temps, mais plus quotidiennement. Et les autres rubriques du site vivront à nouveau à leur tour.



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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