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Mardi 16 juin

16 juin 2020

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

On pourrait arguer que je ne suis pas un perdreau de l’année. Disons, à la rigueur, que je ne suis plus si jeune que j’ai pu l’être — et qui l’est du reste ? Même si j’ai l’impression d’être encore un gamin (à la fois l’âme du gosse que j’ai été, mais aussi son émerveillement et sa stupéfaction récurrente), je pense avoir (un peu) vécu, avoir (un peu) fait l’expérience de mes semblables et ne pas être (totalement) dénué d’une perspicacité psychologique (tout est relatif, n’est-ce pas ?). Pourtant, malgré tout ça, il demeure un comportement humain qui m’est encore aujourd’hui impénétrable : la méchanceté, la malveillance. Je ne comprends pas. J’avoue, je suis complètement abasourdi quand je la croise. Sa gratuité m’ébahit.
Même lorsque je l’observe chez mes enfants, elle m’étonne : d’où vient-elle ? D’eux-mêmes, de leurs personnalités encore en construction ? Ou d’un exemple extérieur ? De moi ? Ce serait quand même le comble.
Seulement, s’agissant d’enfants, je parviens à faire la part des choses — c’est dur, parfois : pourquoi ces deux frères si complices se foutent-ils ainsi sur la gueule d’une minute à l’autre ? Mais bon, comme je l’ai dit, ce sont des enfants, leurs personnalités sont encore inachevées — si tant est qu’une personnalité puisse un jour être achevée. Les expériences sont nécessaires, de même que le guide qui les canalise. La frontière entre jeu et méchanceté est parfois fine et trouble — de même qu’entre le chahut, la chamaille, voire la bagarre, et l’affrontement. Et, à rebours de ce que pourraient nous suggérer les Peanuts, les sociétés strictement enfantines sont en partie régies par de bas instincts qui se manifestent souvent par de la méchanceté.
Au reste, cette méchanceté est-elle vraiment malveillance ? Je ne sais. Méchanceté me semble inscrite au présent, délibérée certes, mais sans réel souci des conséquences, tandis que la malveillance m’apparaît tournée vers l’avenir : les dommages causés le sont intentionnellement pour durer.
Toujours est-il que je me sens aujourd’hui cerné par cette malveillance que je ne parviens ni à m’expliquer, ni à anticiper, ni à inclure dans mon mode de pensée : qu’elle soit au sommet d’un état (suivez mon regard), qu’elle relève de la force publique, qu’elle soit dans le cadre de mon activité, ou plutôt de mon labeur besogneux (j’adore la richesse de ce champ sémantique en français ! Travail, labeur, ouvrage, besogne… que de diversité pour dire la variété des sentiments qui nous animent au cours de ce qui constitue une partie non négligeable de nos vies), voire à proximité immédiate de mon lieu de vie, je ne peux que la gérer au jour le jour.
Lorsque j’y suis confronté, je me retrouve justement plongé dans cet état enfantin de stupéfaction, interdit face à l’incompréhensible, et tremblant d’une peur atavique et sans doute injustifiée. Si une personne est capable d’une telle malveillance, jusqu’où ira-t-elle ? N’ayant aucune prise sur ce sentiment, je suis tout autant désarmé pour l’affronter.
J’ai pourtant bien dû faire preuve de méchanceté, moi aussi ! J’ai certainement voulu un jour faire mal — il me revient quelques rages fulgurantes, mais elles étaient toutes, sans exception, une réponse, voire une réaction réflexe à des humiliations répétées, des avanies récurrentes. Et je ne crois avoir agi qu’en de très rares occasions — et avoir été pris immédiatement d’une culpabilité extrême.
Voilà finalement le nœud de l’affaire : chaque fois que j’ai été méchant, je me suis senti coupable, immédiatement. Comment est-il possible que ceux qui font preuve de méchanceté ou de malveillance autour de moi ne se sente pas aussitôt contrit ? Comment comprendre un comportement qui ne provoque pas chez un autre les mêmes effets que chez moi ? Comment comprendre lorsque l’empathie est impuissante ?
Je n’ai aucune réponse à apporter.
Que vais-je donc bien pouvoir raconter à mes enfants lorsqu’ils me poseront la question ? la méchanceté est-elle axiomatique ? Il y a des gens méchants, des gens haineux, un point c’est tout ? C’est un peu simpliste, non ? Et on ne peut rien y faire ? Quelle perspective déprimante à communiquer à ses enfants…



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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