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29 février 2008 — petit matin

5 mars 2009

T.A.B.P. — J.E.S. — Bis & Suite — Parce qu’il faut en finir, on en approche...

Comment me suis-je retrouvé dans ce lit ? Grand blanc sur la soirée d’hier. Aucune idée de ce qui a pu se passer. Ce que je sais, c’est que ce matin, très tôt, j’ai été réveillé de la plus agréable manière. J’ai même pensé un instant être en train de faire l’un de ces rêves érotiques matutinaux dont je suis coutumier. Un plaisir diffus m’envahissait, s’intensifiait, se précisait. C’était une bouche sur mon corps, sur ma poitrine, une bouche bientôt sur mon sexe tendu, une bouche qui allait et venait sur moi avec un talent certain. Je baissais la tête et vis une masse de cheveux lisses luire dans la lueur de deux bougies, disposées négligemment sur une table de nuit à ma gauche et sur un meuble au pied du lit. J’étais interloqué. Cette chambre m’était inconnue, ce lit plus encore — il planait dans l’air un lourd parfum capiteux, mêlé d’essences fruitées et d’un peu de tabac. La fille continuait sans s’étonner. Qui était-elle ? Dans la pénombre, je ne reconnaissais rien. J’étais épuisé, courbatu — comme si j’avais fait la veille une chute violente, ou si je sortais d’une semaine de sport intensif. Incapable de bouger. Tous mes membres endoloris, je me laissais faire — pas véritablement par choix, mais un peu quand même. Et je me laissais aller à cette confortable caresse. C’était si agréable… Pourquoi ne pas laisser durer ?

Je pose mes mains sur sa tête, l’accompagne dans ses mouvements. Va et vient — va et vient. M’excite de plus en plus, ferme les yeux. Elle lâche soudain mon sexe, remonte rapidement vers mon visage et m’embrasse, j’ai à peine le temps de reconnaître les grands yeux sombres et le visage fin qu’elle me glisse à l’oreille « j’en reveux ». Re ? bon très bien, elle en re-veut.

Sa main va chercher mon sexe, le dirige en elle. Elle s’empale résolument sur moi, fière et fringante.

Elle s’excite, m’excite. C’est elle. Celle du bar, avec ses fesses merveilleuses. Qui eut cru qu’elle serait si affamée ? L’excitation me redonne des forces. D’un coup de rein, je prends le dessus et je la prends avec une violence animale.

Encore quelques allées et venues et je l’entends crier sans espoir. Elle hésite entre le non-qui-refuse-de-lâcher-prise-de-céder-à-la-jouissance et le gémissement inarticulé. C’est trop crois-je entendre un moment. Je reste muet, elle est impuissante à se retenir. Elle se resserre autour de moi, ses mains vont chercher mes fesses et tout est fini. Beaucoup trop vite à mon goût.

Après ce déchaînement, je me sens étrangement coupable. Elle souffle les bougies — je peux cacher ma honte dans l’obscurité, dissimuler le calme profond du silence l’embarras qui m’étreint ; elle me propose une cigarette, j’accepte — éclair aveuglant de la flamme, aussitôt rempli de pénombre — le bout de la cigarette qui grésille ; nous restons silencieux — les volutes grises qui montent dans le noir — délectation silencieuse de la jouissance qui s’apaise par vagues — de sa main libre, elle me caresse le bras et la poitrine — des frissons doux me saisissent par instant (trop fugaces trop frustrants) ; à intervalles réguliers, elle tire une bouffée de sa cigarette — une lueur rouge éclaire par contraste les traits de son visage, révèle en même temps que sa dureté, la souplesse simple de ses traits — ses yeux semblent luire d’une fatigue impénétrable et repue, perdus dans un vide qui s’éclaircit, à mesure que mes yeux s’accommodaient — chaque fois qu’elle expire, je cros entendre un doux murmure de vague sur un rivage en pente, pente si légère qu’on pourrait marcher des kilomètres vers le large avant de perdre pied.

Pas une parole à nouveau — rendu muet, mémoire effacée devant tant de volupté — elle me pose une question — quoi ? je ne sais plus — et j’y réponds doucement, m’appuie sur le temps et le silence pour faire de mon histoire simple une belle poésie sans souci — ton normal de voix mais tout sonne comme un murmure, avec un grain large et profond que l’on aime à entendre dans les lieder de Schubert (les voyelles les plus graves s’étirent comme pour pénétrer doucement le sommeil). Je n’ose pas lui demander son nom, ce que je fais là. Impression d’irréel de la situation.

Un peu plus tard dans la nuit, on a remis ça, et puis encore une fois avant l’aube — et chaque fois cet appétit insatiable, ces mots indistincts d’incompréhension, incompréhension de ce désir continuellement nourri par le plaisir même qu’il faisait naître.

Suis parti au petit main. Réveillé par une malencontreuse fenêtre à l’est, un regard sur le corps nu, si ramassé, tendu, musclé, et rebondi de partout — sensualité sportive et ambrée.

La honte perdure — je ne connais ni son prénom, ne sais pas où j’ai passé la nuit exactement, ni comment j’ai fini dans ses bras et son lit — hiatus temporel, expérience déroutante et totalement nouvelle pour moi. Comment pouvais-je rester ?

Arrivé en bas, quartier familier, je me repère aussitôt : je n’habite pas très loin.

À mi chemin, je m’aperçois que j’ai oublié là-haut mon livre et mon carnet — à peine entamé.

Allons bon, tant pis.

On oubliera cette nuit, on la mettra dans cet endroit de la mémoire où l’on met anomalies, inexplicables, accidents hors du temps et bêtises coupables de l’enfance.



Dernier ajout : 9 mars. | SPIP

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