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18 janvier 2010

Episode VI

En tenant ce cap, il y a bien un moment où l’on va buter sur quelque terre. Et si celle-ci est plus ou moins pétrolifère, plus ou moins désertique, manifestement aride et disputée, il ne faudra pas se voiler la face : on sera bien sur terre habitée. Et notre homme y trouvera comme de bien entendu des persécutés — et plus souvent des persécutées, les pauvres, vraiment, ça, y a pas à dire, en termes de persécution, il n’y a décidément pas d’égalité des sexes — encore hier, sur le pont du bateau sur lequel on commençait à sentir le vent cruel et indifférent du désert, l’une d’elle lui avait raconté sa pauvre petite histoire, si banale et triste que le monde l’oublie si vite — pas moi, non pas moi, moi, je n’oublierai pas, se jure-t-il en dedans. Mais débarqué sur cette terre plus ou moins promise, du moins rêvée, il n’y croise que des yeux baissés, des corps dont l’épanouissement est renié, dont la liberté ne se dira jamais au présent. Il se demande ce qui l’a pris de fuir l’autre, dans sa mansarde humide et sordide. Ici, pas d’humidité, certes, que de l’humilité, de l’humiliation, que d’erreurs.

Au moins auront-elles (ils) vécu, se dit-il en les considérant, sur leurs plages gorgées de soleil, étendu(e)s à même le sol. Au moins auront-elles (ils) connu peut-être un semblant de bonheur, sans ce rugissement aux oreilles, qui a interrompu plus d’une vie au-dessus de nos têtes.

Il lève le regard, scrute le ciel. Ici, il est bleu acier — presque blanc de sècheresse. Là-bas, il ferme les yeux, là-bas, là-haut, il était si lumineux et si gris, si merveilleux n’était cette peur au ventre ultime, ces rafales crachotantes qui toujours faisaient fuir la jeunesse jusqu’au fond des fesses, jusqu’au fond du cœur. Comme on aurait aimé être insouciant sous la veste de cuir et l’écharpe de soie. Moi aussi j’aurais aimé, et je n’ai pourtant pas bon souvenir. J’ai déjà oublié, tout ce qu’on m’a raconté.



Dernier ajout : 20 mars. | SPIP

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