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Un monde dépouillé
mardi 22 juillet 2025, par
Tout était vide. Rien. Pas une âme qui vive. Pas un animal, pas un pépiement d’oiseaux. Seul le végétal semblait avoir perduré — et encore, peut-être était-il destiné sous peu à disparaitre à son tour, le temps que les feuilles jaunissent et tombent, le temps que la sève cesse son épuisant ascenseur. Un zéphyr suave bruissait dans les frondaisons. Imperturbables, quelques cumulus poursuivaient leurs chemins dans le ciel. Mais au sol, rien.
Et pourtant, tout semblait tellement empreint de vie. Là une fenêtre ouverte, derrière laquelle dansait encore un voile. Ici un parterre de fleurs pimpantes. Là encore un gazon tout juste tondu. Un drapeau flottait en battant gentiment sur sa hampe. Le monde était comme une pièce qu’on a quittée au matin, sachant qu’on y reviendrait au soir, en laissant parfois traîner, là une tasse, là un vêtement qui n’a pas su trouver le panier de linge sale.
On aurait pu croire à un après-midi d’été, immobile sous la chape d’un soleil de plomb. Mais non. L’air était léger et doux. Le soleil venait à peine de se lever. Seulement tout était vide. Si vide qu’on en percevait le murmure de la petite rivière qui sillonne toujours le moindre bourg, alimentant quelque lavoir qui ne sert plus que de repère touristique à quelques passionnés de lavoirs.
Ainsi de tous les hameaux, tous les villages, toutes les villes, et jusqu’aux métropoles les plus étendues. Et pourtant, tout semblait normal. N’était cette absence, rien ne trahissait le moindre changement du quotidien. Et même cette absence, un hypothétique spectateur (hypothétique car, comme l’a dit, tout était vide, nul spectateur n’aurait donc pu témoigner de ce vide) aurait mis quelque temps à s’en apercevoir. Plusieurs minutes, d’avantage peut-être, qui sait. Car cette absence n’était en rien pesante, bien au contraire.
On eut dit que le minéral, enfin, reprenait son concert, dissonant au possible et que l’hypothétique oreille de cet hypothétique spectateur aurait pourtant trouvé des plus harmonieux.
Tout était vide et, décidément, c’était tant mieux.
Inachevé.net