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Vendredi 15 mai

15 mai 2020

General Pause — Chapitre 9

Toutefois, on peut s’étonner que, en ce début de XXIe siècle, un peu moins de 80 ans après la première explosion atomique (les estimations sont encore un peu floues), un tel conflit planétaire n’ait pas donné lieu à un usage extensif de l’arme nucléaire. L’humanité s’était-elle entretemps aperçu de son inutilité militaire absolue ? Toutes les populations étant susceptibles d’en souffrir, en non pas seulement une nation en particulier, son usage d’ampleur aurait effectivement relevé du suicide collectif et civilisationnel — certes, ce suicide allait venir, mais les gens de pouvoir d’alors ne pouvaient décemment pas le savoir. Gardons de juger la situation d’alors avec nos yeux d’aujourd’hui, et notre connaissance de l’histoire.
Et le peu que nous connaissons de certaines de ces personnalités en position d’appuyer sur le bouton du cataclysme nous invite à penser qu’elles n’avaient qu’assez peu conscience des conséquences d’un tel acte. Et leurs pratiques internationales et infranationales, diplomatiques ou belliqueuses, nous laissent relativement sceptiques quant à une hypothétique prise de conscience.
Les armes utilisées étaient donc certes sournoises, mais pas absolues.
Une autre type d’armes semble avoir été utilisée de manière extensive, sur lequel nous n’avons qu’assez peu d’information et dont le fonctionnement et l’efficacité nous laissent pour le moins dubitatif : les armes économiques et financières. Que sont-elles ? Mystère.
Les recherches étymologiques ne nous renseignent pas.
« Économique » vient du grec ancien oïkonomia, de oikos, maison, et nomos, gérer, et concerne donc l’administration, la gestion de la maison. Comment cela peut-il devenir une arme ?
Le terme « financier » semble un poil plus pertinent dans le contexte d’une guerre, puisqu’il est dérivé du mot latin finis qui signifie « le terme ». La fin. C’est donc une arme qui vise à mettre fin à quelque chose. Fin à la vie de l’ennemi ? Fin du conflit ?
Quelle qu’en ait été la nature et l’usage (peut-être n’y a-t-il pas eu l’occasion de les mettre en œuvre ? ou peut-être leurs effets étaient-ils à retardement et le temps a manqué pour les constater ?), il n’en demeure pas moins que les dits effets furent à peu près nuls sur le cours de la guerre.
En revanche, la guerre aurait eu des effets extrêmement délétères sur les conditions de vie des populations, dans leur très grande majorité.
Une exception toutefois : quelques individus et sociétés d’individus ont tiré leur épingle du jeu. Et c’est aussi un indice en faveur de cette hypothèse guerrière : toute guerre a ses profiteurs. Comme qui dirait, qui dit guerre dit profiteurs et donc, réciproquement, qui dit profiteurs, dit guerre ! Qu’ils profitent honnêtement d’opportunité ouverte par les destructions et autres désolations, ou qu’ils profitent tels des rapaces de la misère ambiante, ou qu’ils se livrent plus simplement à de vulgaires pillages et autres chantages, les profiteurs sont un invariant du fait guerrier. Et la General Pause en a révélé un petit nombre : à commencer par les fabricants d’armes chimiques. Et quelques autres, à divers niveaux et de diverses envergures : petits trafics, gains opportunistes, faits de collaboration…
Sans parler bien entendu des gains politiques réalisés par certains partis situés aux extrêmes de l’échiquier. Mais cet aspect est, tout comme le non recours à l’arme atomique, un argument contre l’hypothèse guerrière : par le passé, en effet, à l’exception notable de certains pays lors de la seconde éruption de grande guerre, il semble que les guerres aient plutôt eu un effet d’union nationale que de division. Et les extrêmes sur l’échiquier politique sont généralement les premiers à faire bloc derrière la nation et sa tête.
Bref, cette hypothèse d’une guerre planétaire est très séduisante, mais de nombreux indices nous invitent à l’écarter — sans toutefois l’éliminer complètement : gardons la dans un coin de notre tête, elle n’est nullement invalide !



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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