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Mercredi 29 avril

29 avril 2020

General Pause — Chapitre 1

Les informations dont nous disposons sont excessivement parcellaires.
Avant d’aller plus loin, expliquons un peu le contexte et la raison de cette rareté des sources fiables à nous être parvenues. Les populations de ce début du XXIe siècle ignoraient les aléas et obsolescences inhérentes aux méthodes de stockages des données s’appuyant sur les silico-technologies. Aveuglés par une foi que l’on pourrait aisément qualifier de scientiste, ils confiaient à de fragiles petites galettes ainsi qu’à des micro-puces aux architectures absurdement complexes toutes leurs vies et tous les événements marquants de leurs sociétés. Je sais, ça peut paraître risible aujourd’hui. Mais mettons-nous à leurs places : grâce au petit recul qu’ils avaient vis-à-vis de l’histoire de l’écriture et de la préservation de la mémoire collective et individuelle, les scientifiques de l’époque avaient compris la fragilité des supports papiers et assimilés, non seulement aux catastrophes (inondation, incendie…), mais aussi à l’épreuve du temps. La présence croissante de l’électronique, de l’informatique et de l’intelligence artificielle dans les sociétés d’alors les a naturellementamenés à penser que les supports de silice offriraient un substitut acceptable, voire bénéfique — puisque permettant une plus grande souplesse dans l’exploitation des données.
Signalons au passage que c’est cette même foi en la science qui mènera précisément à la perte des données et aux informations parcellaires dont nous disposons aujourd’hui. Souvenons-nous en effet que ce sont les activités anthropiques et leurs effets indésirables qui ont justement provoqué le cataclysme que l’on sait, et qui a ouvert notre nouvelle ère — même si celle-ci ne s’est produite que plusieurs siècles plus tard — : le changement climatique, avec son cortège de hausse de température, de l’hygrométrie, de l’acidité des océans, des phénomènes météorologiques violents, la destruction de la biodiversité, et la rupture de l’équilibre précaire des écosystèmes, la culture nucléaire, pour l’énergie, la médecine et quelques autres domaines, et ses émissions continues de radionucléides dans l’atmosphère, sans parler des interminables disputes intestines de la société globalisée, tout cela, outre le cataclysme grâce auquel notre civilisation est née, a aussi causé d’irrémédiables dommages à leurs matériels et réseaux informatiques antédiluviens.
Étonnant, non ? Et étonnamment ironique...
À cela s’ajoute — et je cite en cela les remarquables travaux de mes confrères de l’université de Trout — une mode d’alors qui était de noyer les informations véridiques sous un flot ininterrompu d’inanités. Les interprétations concernant cette pratique étrange divergent : mes confrères pensent à un jeu que les mémorialistes d’alors proposaient à leurs contemporains — ils corroborent cette hypothèse en citant toutes ces grilles de lettres ou de chiffres qui jouxtent les informations dans les gazettes papier qui nous sont parvenues. La Professeure Norhia Bhensthenghen de l’Institut d’historiographie de Crtsh propose une autre interprétation : c’était en réalité un camouflage cryptographique des informations à des ennemis encore non encore par elle identifiés : en noyant des informations signifiantes, voire cruciales, pour la marche de la planète dans un flot d’informations sans intérêt, l’espoir était que l’ennemi ne sache à quoi s’en tenir. Je me demande quant à moi si ce n’était pas un exercice destiné à distinguer parmi la population générale les éléments les plus brillants…
Toujours est-il qu’il est assez ironique, pour les historiens que nous sommes, de constater que c’est justement à propos de cette période que nos informations sont les plus parcellaires. Nous avons plus d’informations (et des informations plus fiables) sur la Guerre de Troie, les Guerres Puniques, les Incas ou Genghis Khan que sur cette période charnière qui fut pourtant celle d’un pic démographique de la planète Terre, en même temps d’un pic de la production de données et d’informations. Et nous sommes donc dans le brouillard pour bien comprendre ce qui s’est précisément passé au cours des premières décennies du XXIe siècle.
Mais, après ce préambule qu’exigent les précautions particulières au sujet et à la période qui nous occupent, revenons à l’objet de cet article. A cette période, il semblerait donc que se soit produit dans le monde un gigantesque tsunami. C’est de la nature exacte de ce tsunami que nous aimerions discuter ici.



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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