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Jeudi 16 avril

16 avril 2020

Coiffure

Je fais suite ici à la dernière chronique Sine Die de notre cher Éric Chevillard, mais aussi à un reportage un brin mélodramatique entendu ce matin à propos du désarroi des coiffeurs (ce qui fait du reste immanquablement penser au sketch de Pierre Desproges)…

Cela pour faire remarquer que, bien que de quinze ans le cadet de Chevillard (mais tout aussi mâle, blanc et hétérosexuel, donc haïssable et abusif que lui), j’étais il y a quelques jours encore victime de la même affliction que lui : une touffe (ou plutôt une tignasse) de cheveux rebelle à tous les confinements.
Ce à quoi ma compagne se proposa de répondre en se livrant à l’un de ses rêves d’enfant : la coiffure — ce qu’elle n’avait jamais osé faire auparavant, sauf pour dégager les yeux de nos garçons, et encore, avec beaucoup de circonspection. C’est donc entre ses doigts délicats et hésitants que je confiais ce dernier lundi ma tête. Confier étant le mot approprié : j’avais toute confiance en elle. Et puis, même en cas de ratage, qu’importait : il n’y a qu’elle que cela aurait pu déranger. Si elle était prête à supporter la vision cubiste qui en sortirait, qui étais-je pour la lui refuser ?
Ce fut sans doute la séance de coiffure la plus agréable qui soit. Pour de multiples raisons que je ne dévoilerai pas toutes ici. Mais ses hésitations même étaient plaisantes. Et j’avoue que la petite bouclette qui s’échappe de derrière mon oreille droite, comme celle qui joue les épis hirsutes à l’arrière de mon crâne valaient bien ça !
Alors bien sûr, j’ai le sentiment aujourd’hui, lorsque, les rares fois où j’en ai l’occasion, mon regard croise un miroir, ma tête n’est plus aussi symétrique qu’elle a pu l’être. Mais je ne suis pas mécontent. D’autant qu’elle m’a promis de se refaire une séance très bientôt, histoire de parfaire son œuvre : je croirais entendre Rodin souhaiter se remettre à l’ouvrage pour fignoler les derniers détails de son Penseur.
Alors voilà. Une entrée de journal capillotractée — parce qu’il faut bien trouver quelque chose à raconter et que, comme le remarquait si justement…, on a tendance à ne parler que de confinement alors qu’on en a ras le bol d’en parler, qu’on aimerait parler d’autre chose, mais qu’on ne trouve jamais de quoi d’autre parler.
Une question alors me turlupine, aigue et coquine : a-t-on le droit, dans un journal intitulé malicieusement The Virus Diaries, d’écrire à propos de tout autre chose ?
La réponse, je l’espère, est : oui. Mais y arriverai-je ?



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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