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Mâts

26 février 2010

Ils sont là. Il y en a plus d’une centaine. Pointés vers le ciel, nus, inutiles. On imagine les drapeaux qui doivent y flotter, certains jours de grande s(c)ession. Mais là, rien. Ils pleurent avec les dernières gouttes de la pluie printanière et rémanente. Ils frissonnent un peu — on ne le voit pas, on le devine. Et puis il y a ce léger claquement de la drisse rongée par les intempéries. On est bien loin de la mer, malgré quelques mouettes qui jouent dans le ciel délavé et la lune pas bien ronde (trop bu, trop vue), mais ce claquement métallique convoque une marée discrète — n’était cette résonance matte des chocs, qui trahissent le compact et le manque de souplesse.

De leurs pointes, ils dessinent un quadrillage impressionniste et incertain. Pallient leur minceur par leur arrogance, tâchant de montrer qu’ils sont bien les dignes héritiers des grandes colonnades grecques, gardiennes des temple, garantes d’une paix illusoire.

Souvenir de ces jeux olympiques, qui étaient synonymes de paix, de trêve.

Les mâts affirment, droits comme des I, piqués droits dans la boue, inconscients et ignorant ce qu’ils disent.

On avance, ils défilent, raides, fiers, saluent les passants, espérant une réponse, un regard au moins.

Ils aimeraient l’oriflamme, ou au moins les feux de la rampe, mais derrière eux les nargue le globe majestueux, qui trône et s’attire toutes les grâces, soigneusement enfermé, protégé. Symbolique à défaut d’autre chose.



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