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Paris — 8 juin 2009 — 5 h 30

9 juin 2009

La terre lève le soleil, ça a l’air facile, comme si elle le faisait tous les jours. Et pourtant, ce n’est pas rien.

Dans le bleu pâle qui s’annonce, le moindre immeuble — la carcasse vide et décharnée d’un chantier — prend des airs de noblesse et d’éternité — nul besoin d’allure pour avoir la fierté.

Les lumières jaunes et blanches sont éteintes, les fenêtres sont encore neutres.

Il est un moment, dans ce demi-jour, dans cette aube précoce, quelques minutes à peine, où la ville pourraient très bien être désertée. Silence — apathie — immobilité. Quelques toiles déchirées dans le vent paresseux. Les toits indifférents pourraient n’abriter personne. Depuis quelques années, la population, s’amenuisant chaque jour sous les coups de virus galopant et de violentes allergies, s’est éparpillée dans les campagnes. La tendance grégaire de l’espèce humaine s’est soudain heurtée à sa volonté de pérennité. Vivre ensemble a d’un coup signifié la mort. On fuit le contact. Des quelques milliards, ce ne sont plus que quelques milliers éparpillés à la surface du globe, dans les quelques régions fertiles que l’urbanisation à tous crins avait pu laissé intact, loin des émanations toxiques rémanantes dont les dernières activités de la civilisation technologique avaient pu vicié l’air, imbibé les sols.

La ville, la grande ville, reste abandonnée. Les bâtiments, gratte-ciels et défis d’architecte — et surtout les derniers en date, qu’on avait conçu plus écologique — sont encore debout, la météo les a à peine entamés, la végétation, rendue chétive par les pollutions diverses, est incapable de reprendre ses droits. La belle ville endormie, le fleuve seul poursuit son inlassable écoulement sous les ponts qu’il érode sans s’essouffler, inlassablement. Il ne s’est pas aperçu que les amants ne sont plus là pour s’embrasser sous sa protection. Quelques péniches encore passent au travers, le pont désert, calfeutrées. Le soleil, quand il veut bien se montrer, enflamme encore les fenêtres des gratte-ciels impudents, sans savoir que plus personne n’est là pour apprécier la beauté fugitive de ses éclats, et pour s’amuser avec lui de ses jeux avec les créations des humains — il ne s’est aperçu de rien, il est trop myope (il est trop chaud et trop massif aussi, et ça bouleverse toute l’optique newtonienne).

Tout d’un coup, une fenêtre s’allume, une autre l’accompagne, la solitude matinale s’évanouit. On secoue la tête — le rêve sera pour une autre fois.



Dernier ajout : 17 mars. | SPIP

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